La R&D : pour ne pas confondre développement et veille techno

Il y a quelques temps, je vous ai parlé de la veille technologique. Je vous ai expliqué en quoi c’est un élément important de nos vies professionnelles.

Je voudrais cette fois-ci vous mettre en garde contre une dérive finalement assez commune chez les jeunes développeurs, qui est d’utiliser les projets professionnels comme un terrain de jeu pour réaliser leurs expérimentations. Ensuite nous réfléchirons aux moyens de canaliser la fougue qui conduit à ces dérapages.

Les expérimentations au boulot

Il y a quelques années, alors que j’étais chef de projet, un de mes développeurs – un prestataire externe, en fait – avait demandé une demi-journée de congé pour assister à une conférence organisée par Google France. J’étais content de voir qu’il prenait à coeur sa veille technologique.
À son retour, je lui ai évidemment demandé de me faire une présentation rapide de ce qu’il avait vu. Il s’agissait des premières versions des toolkits de Google, et ça avait l’air vraiment intéressant.

Nous étions alors en train de démarrer un nouveau projet, et ce développeur était en charge de certaines spécifications techniques. Quand j’ai vu dans ses specs qu’il envisageait d’utiliser les technologies Google qu’il venait d’entrapercevoir, j’ai eu une petite discussion avec lui.

Le message tient en 2 points :

  • Bien qu’absolument nécessaire, la veille technologie est une démarche personnelle. C’est à chacun de se trouver ses propres petits projets qui lui permettront de tester de nouvelles technos ou de nouveaux outils.
  • Un projet mené au sein de l’entreprise répond à des contraintes contractuelles et financières. Vouloir y glisser des technologies qui ne sont encore qu’à l’état de bêta, ou qu’on ne maîtrise absolument pas, est une erreur assez grave.

Canaliser et organiser

Il n’empêche qu’il n’est pas logique d’inciter à la veille tout en la réprimant dans le cadre de l’entreprise. L’entreprise a certains devoirs de formation vis-à-vis de ses employés, il faut s’en occuper de manière raisonnée et planifiée.

Il est important pour une équipe technique de mettre en place des projets de « R&D » (recherche et développement), car :

  1. Ces projets permettent de tester les technologies qui seront très bientôt utilisées au seins de projets officiels.
  2. Ils sont une occasion unique de faire acquérir aux membres de l’équipe des compétences et de l’expérience ; il ne faut pas attendre d’avoir besoin d’une connaissance dans l’urgence pour la développer.
  3. Ces projets représentent souvent une « bouffée d’oxygène » pour des développeurs qui auraient l’impression de tourner en rond, sans nouveau défi à relever.

Le responsable technique peut ainsi choisir de mettre en place des projets R&D qui serviront à valider une techno ou un savoir-faire. Il s’agit alors d’un choix d’entreprise et non d’une volonté individuelle : même si ces projets sont motivants par leur côté Star Trek (aller là où aucun autre être humain n’est allé), ils sont choisis en fonction des besoins techniques à moyen terme.

Mon expérience

Lorsqu’on travaille dans une start-up, tous les projets ressemblent à de la R&D. On avance à tatons, on ne sait pas toujours quelle direction prendre, on expérimente beaucoup.
Puis vient le temps de l’industrialisation. On cherche à rationaliser les développements. C’est une bonne chose pour l’entreprise, mais cela revient un peu à mettre les passions techniques sous un éteignoir.

Les projets de R&D sont donc salvateurs pour le moral des troupes, tout en permettant de préparer l’avenir sereinement. Peu de dirigeants techniques réussissent à avoir cette vision, ce qui s’explique facilement par les pressions financières qui s’exercent sur eux.

Pour ma part, j’essaye de mettre en place deux types d’initiatives :

  • Quand je travaille sur un projet techniquement pointu, j’en informe très régulièrement l’ensemble de mon équipe. Même s’il s’agit de projets pour lesquels on attend des résultats à court terme, je n’hésite pas à les faire participer en leur soumettant les difficultés que je rencontre et en leur expliquant mes cheminements intellectuels. C’est intéressant et formateur, et les projets ne s’en portent que mieux. J’incite chacun à faire de même en retour.
  • J’ai lancé des projets R&D qui sont d’une réelle utilité pour l’entreprise, tout en s’inscrivant dans la durée. Placés sous licence libre, ces projets participent autant à « aiguillonner » les développeurs qu’à faire connaître l’entreprise à l’extérieur. Le premier projet de ce genre est FineFS dont j’ai déjà parlé dans ce blog.

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