Encore un peu de délégation

Il y a quelques temps, je vous parlais d’un lecteur de ce blog que j’ai aidé à identifier comment il pouvait ne plus être un goulot d’étranglement (j’ai tenté, en tout cas). Un des points les plus importants de mes conseils − le premier de tous, en fait − concernait la délégation.

Nous avons échangé quelques emails par la suite, et je voudrais vous en rapporter la teneur. Pour simplifier, disons que j’ai voulu le convaincre de la réelle nécessité de confier ses tâches.

Quelques morceaux choisis :

  • «Le message n’est pas “tu ne dois pas être seul responsable d’un projet”, mais plutôt “tu ne dois jamais être le responsable d’un projet”. Ça me semble vraiment important si tu veux pouvoir apporter ton expertise sur un projet qui le nécessite, sans pour autant stopper tous les autres projet pendant ce temps.»
  • «Ton entreprise cherche à gérer un nombre de projets croissant au fil du temps. Ce développement (commercial) ne peut pas être lié uniquement à l’augmentation de tes heures travaillées. Une fois que tu bosseras 24h/24, tu feras comment pour traiter de nouveaux clients ?»
  • «La confiance des clients repose sur toi, oui. Et pour garder cette confiance, il faut qu’ils sachent que tu peux intervenir sur leur projet à tout moment si c’est nécessaire. Mais ça ne veut pas dire que l’intégralité des aspects de tous les projets doivent être gérés par toi au quotidien.»

Quelques exemples de délégation

1. Quand Alain Prost a créé son écurie de Formule 1 (ce n’est pas un très bon exemple, vu qu’elle a coulé, mais vous voyez ce que je veux dire), tout ça reposait sur son nom et son image. Mais il ne pouvait pas s’occuper en même temps de la recherche de sponsors, des stratégies de course, du développement de la voiture en cours d’utilisation, du programme de création de celle de l’année suivante, du recrutement du personnel, du remplacement du papier-toilette, …
Même si c’était lui qui était « à la barre », tout le monde sait qu’il avait un directeur commercial, un directeur de course, un responsable des essais, un directeur technique, …

2. Un grand chef cuisinier ne peut pas être tout le temps derrière les fourneaux. Ne serait-ce que parce qu’ils ont souvent plusieurs restaurants. On sait pertinemment qu’ils ont plusieurs sous-chefs dans chaque restaurant, et que ce sont eux qui gèrent en direct les cuisiniers et les commis en cuisine. L’important, c’est que le nom des grands chefs est un gage. Un gage de quoi ? De sérieux dans la formation des cuisiniers, d’expertise dans le choix des aliments, d’originalité dans les recettes des menus proposés. On estime qu’ils suivent d’assez près ce qui se passe dans leurs cuisine, pour garantir que les plats qui en sortent sont tous quasiment-comme-s’il-l’avait-cuisiné-lui-même.

3. Les grands couturiers sont connus pour leurs « petites mains » qui cousent à leur place. C’est assez logique : Ce qu’on leur demande, c’est de dessiner de beaux modèles, de choisir de beaux tissus, de sentir les tendances, de créer ce qui va être la mode de demain.
On ne s’attend pas à ce que Jean-Paul Gaultier ou Christian Lacroix cousent eux-même les vêtements qu’ils vendent. Par contre, ceux qui mettent le prix y voient des garanties quant à la qualité factuelle de ce qu’ils achètent et y sentent la « patte » du maître.

Concrètement, ça donne quoi ?

Pour bien me faire comprendre, je fais un petit parallèle entre une entreprise et un orchestre philharmonique.
Imaginons 3 professions d’un côté : violoncelliste, violoniste soliste, chef d’orchestre.
Imaginons 3 autres professions : développeur, architecte logiciel, chef d’entreprise.
N’y a-t-il pas une certaine similitude ? Certains chefs d’orchestre sont tellement talentueux que les gens viennent spécifiquement à leurs concerts. Pourtant, le chef d’orchestre ne peut rien faire tout seul (à part faire un long solo de triangle très ennuyeux, peut-être).

Je suis persuadé que c’est la même chose pour une entreprise. Déléguer tous les projets ne veut pas dire de ne pas s’en occuper. Au contraire, ça veut dire qu’on se donne les moyens pour pouvoir agir dessus quand il le faut, dès qu’il le faut, sans être pollué par le « quotidien » des projets − et sans que les projets ne prennent de retard dès qu’on doit consacrer toute son énergie à l’un d’eux.

En déléguant la gestion des projets, ils continueront à vous phagocyter autant qu’avant, dans un premier temps. Puis vos collaborateurs monteront en compétence, ils essaieront de traiter eux-même les problèmes, parce qu’ils se sentiront attachés aux projets dont ils auront la responsabilité. Plus le temps passera, plus ils seront compétents. Parce qu’ils seront responsabilisés.

Et surtout, c’est aux chefs de projet de faire avancer les projets. C’est à eux d’identifier les soucis et d’aller voir leur boss pour faire appel à son expertise. C’est à eux de détecter les points de blocage, même si c’est leur responsable qui a la légitimité de choisir les solutions de déblocage. Évidemment, c’est au chef d’entreprise de surveiller de près si tout se passe bien, si les délais sont respectés et que la qualité est bonne.

Et ça, vos clients sont prêts à l’entendre. Ils ne s’attendent pas à ce que le patron soit le seul à travailler sur leur projet. Ils s’attendent à ce qu’il garantisse le résultat, et qu’il soit leur interlocuteur en cas de besoin.

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